Avent 2020

Nous voilà de nouveau en avent. Noël est dans 4 semaines. Comme le temps passe… Un temps qui pourtant semble ralenti depuis que le Covid19 est rentré dans nos vies, amenant chez certains le deuil, chez d’autres la douleur durable, chez tous un certain ahurissement. Nous avons été confinés, déconfinés, reconfinés plus ou moins et sommes de nouveau en attente d’un déconfinement et d’un retour, un jour, à une vie « normale ». Drôle d’expérience, qui nous marque. Dans mon foyer, il y a eu les crises d’angoisse terribles de mon aîné, des tensions entre les parents et les enfants, entre les parents, entre les enfants ; il y a eu aussi, heureusement, de la patience, des câlins, des discussions franches, de la confiance.

Sur le plan religieux, cette période est arrivée à un moment où la colère envers l’Eglise, sans être totalement apaisée, se fait moins forte ; comme un deuil qui se fait doucement : la conscience que je ne vivrai plus ce que j’ai vécu avec tellement d’intensité dans mes jeunes années, une forme croissante d’indifférence aux pesanteurs et aux travers de l’institution. J’ai regardé avec un peu d’ironie, teintée de compassion pour celles et ceux pour qui cela représentait une vraie peine, les maladresses (euphémisme) de l’Eglise de France dans la gestion du reconfinement / déconfinement automnal. J’ai vécu, en revanche, comme de vrais moments de joie, les prières partagées, via Zoom avec les vieux/vieilles ami-es de la « prière Taizé » d’il y a plus de 20 ans, via Discord avec les ami-es de twitter, avec lesquel-les, pour certain-es en se connaissant à peine, en échangeant finalement peu sur le réseau où l’on gazouille. Dans les deux cas, sous des formes différentes, avec une histoire différente et donc aussi des non-dits différents, il y a eu le temps donné, reçu, la musique, la Parole, la prière dite et la prière silencieuse. Petites églises qui nous font vivre.

Me voici donc en avent. Dans mon foyer, je n’ai pas su transmettre la foi à mes enfants, pour l’instant. Mon aîné, qui y était plus sensible que son cadet, s’en détache doucement. Logique, l’exemple n’est plus là, je ne vais plus à la messe. Ils m’ont cependant vu partager ces temps de prière, cela les a intrigués. Nous avons parlé religion et laïcité, aussi, après l’assassinat de Samuel Paty. Il y a des portes ouvertes, et au fond, ce qui est l’essentiel pour moi, leur volonté de comprendre, de respecter, de mettre l’amour là où il y la haine. On verra ce qu’ils feront de tout cela. La maison est décorée pour noël, les rois mages sont en route (mais le petit Jésus est déjà dans la crèche, parce que mon mari trouve « nul » de ne pas le mettre tout de suite). Beaucoup de questions se posent : comment fêter noël dans ce contexte ? voir ou ne pas voir nos parents âgés, nos frères, soeurs, neveux, nièces, éparpillés aux quatre coins de la France (et au-delà, mais ceux qui sont « au-delà » savent déjà qu’ils ne pourront pas venir) ? quel compromis trouver entre la prudence sanitaire et la solitude de personnes âgées qui savent que ces rencontres avec les leurs sont précieuses ? Je n’ai pas tellement peur d’être malade, mais depuis le début, ma crainte est celle de porter un jour la culpabilité de la maladie ou du décès d’un proche « à risque ». Comment vivre avec cela ?

Je ne sais pas si j’irai à la messe de noël. Tout dépendra de beaucoup de choses. Ce noël est aussi, de nos noëls chez nous, le premier que nous passerons sans un ami qui a brutalement rompu avec nous en janvier dernier, et qui passait le réveillon du 24 décembre avec nous. Un ami de ma jeunesse catholique engagée, d’ailleurs, un de ceux qui me rattachent aussi à ces souvenirs à la fois précieux et parfois douloureux. Comment renouer ? Ou comment ne pas renouer, sans être amère et triste ?

Et puis il y a tout le reste ; cette impression d’une crispation générale, de fractures tellement fortes dans le corps socio-politique, en France et ailleurs ; cet horizon qui paraît si bouché, où trouver une fenêtre ouverte vers plus de tolérance, plus d’ouverture d’esprit, plus d’amour tout bêtement, plus de confiance, paraît de plus en plus difficile.

Nous voici en avent. Le temps de nous rappeler que le Royaume de Dieu est déjà parmi nous, parce qu’un petit enfant nous l’a mis entre les mains. Il me paraît bien caché, c’est vrai. Mais il est là. Et cela nous tient debout.

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